N° 7 Les aventures de Stéphane en Amérique Please, bory me in the Philmont cemetary
Mon psy me dit souvent que l'angoisse c'est le temps qu'on passe à s'efforcer de ne pas avoir peur de mourir ; il ajoute souvent que le Freudisme est la plus grande escroquerie du XXème siècle, et même si j’estime que le rock’n roll tient la corde, je serais assez enclin à lui donner raison vu le prix que me coûte chacune de ses consultations.
En tout cas, je me suis souvenu aujourd'hui de deux choses : la première c'est que j'ai peur de vivre, non de mourir ; la deuxième c'est que je sais pourquoi.
Le pychanalyste new yorkais Andy lotterman a résumé la situation pour moi : on ne peut pas quitter une mère qu'on n'a pas eue. Autrement dit, la projection dans l'inconnu recèle du désespoir et de la confusion car je n'ai pas de possibilité de repli émotionnel sécurisant.
Reste simplement à trouver comment dépasser ce vide en moi.
Et ça, aucune chanson de rock ne me l'a jamais expliqué.
Or, même si la musique a eu son rôle à jouer cet après-midi, c'est bel et bien au cimetière de Philmont, Columbia County, que j'ai recouvré momentanément une part de ma sérénité.
J'errais sur les routes sans autre but que rouler dans ce camaïeu de gris et d'orange qui sont les couleurs de la mélancolie, quand j'ai vu les tombes sur ma droite, légèrement penchées dans un sens ou dans l'autre sous les arbres centenaires. J'ai voulu m'arrêter pour aller y voir de plus près, mais la route était difficile, si bien que j’ai attendu d’atteindre le centre du village pour chercher des rues praticables afin tenter un demi-tour en douceur.
Parvenu à Hill Street, je me suis retrouvé derrière un bahut d'une longueur invraisemblable qui s'est bientôt retrouvé coincé dans sa manœuvre pour tourner sur High Falls Road, moyennant quoi je suis descendu de voiture pour l’aider dans sa tentative, qui s’est vu couronnée de succès, merci, grâce à mes directives.
Ivre de fierté après que le camionneur m’eût adressé de vigoureux coups de klaxon pour me remercier, j’ai croisé sur ma route un étang fort agréable au bord duquel j'ai pu explorer d'anciens bâtiments industriels abandonnés, à la suite de quoi je me suis assis sur un banc pour regarder s’ébattre des canards d’une variété inconnue de moi.
J'ai reçu un texto d’Alexandra Schwartz qui m’a fait chaud au cœur : « comments vas-tu ? »
J’ai pris le temps de lui envoyer une réponse dans un style simultanément enthousiaste et larmoyant, avant de retourner au cimetière car je voulais prendre quelques images. Las ! il s’était mis à pleuvoir si fort que je suis resté coincé dans la voiture au milieu des sépultures en écoutant des chansons de Ray Lamontagne, de celles qui arracheraient des larmes à un sourd cynique. J’étais bien.
Au bout d’un moment cependant, je me suis dit que ça allait comme ça, et je suis rentré chez Eddy car je voulais peindre ou dessiner.
Mais j’ai finalement écrit ce mél, que l’absence de connexion internet m’oblige à poster depuis The Parlor, ce Coffee & Tea House situé dans la charmante petite ville d’Hudson distante d’une quinzaine miles et dont j’ai peut-être déjà évoqué l’existence, mais je ne m’en souviens plus, parce que si vous croyez que j'ai le temps de relire mes messages, hein, bon.
Je ne parviens pas pour l’instant à créer l’environnement favorable pour peindre, et pourtant j’en ai très envie. L’idéal serait que je puisse rester une semaine de plus dans cette maison dans laquelle je me sens si bien, mais il faut pour ça que je puisse louer une bagnole, et je ne sais pas comment m’y prendre.
J’ai des désirs de noir profonds et de roses foncé.
Un ami proche, c'est à dire : qui me connaît bien, voyant certaines de mes œuvres dans cette tendance il y a peu, me faisait remarquer que cette aspiration esthétique était une déclinaison spectaculairement révélatrice de mon état d’esprit général ; j’imagine qu’il entendait par là un truc symbolique du genre Eros et Thanatos, comme si Satan m’avaient donné le noir pour l’anarchie et le rose pour mourir dans tes bras, ma chérie.
Sauf que de chérie, j’en ai pas.
Ouaip, j'ai une vie compliquée.
Stéphane