N° 5 Les aventures de Stéphane en Amérique A wonderful nightmare
C'est assez difficile de suivre un régime alimentaire qui exclue strictement le gluten ; disons qu'à New York on peut y arriver, en adoptant la formule Chicken over rice/diet coke par exemple, mais à Taghkanic où je me trouve actuellement, c'est presque impossible. Moyennant quoi, après l'énorme steak que j'ai englouti hier soir et qui en était dépourvu, certes, j'ai descendu quelques bières américaines (tout à fait excellentes au demeurant, ce que mes à priori ne laissait pas présager) qui, elles, en sont chargées.
Taghkanic se trouve à deux heures au nord de Big Apple, et dans le genre forêts à perte de vue aux couleurs de l'été indien c'est magnifique. Je bénéficie pour moi tout seul d'une grande maison en bois perchée sur une colline, qui offre, entre autres agréments, deux salles de bain, un système hi-fi carrément correct et une vue sur la campagne topissime ; elle m'est prêtée par Eddie Goldberg, un ami des artistes que j'ai vu deux fois 5 minutes dans son appartement de la 60ème rue à Manhattan.
Evidemment, si j'ajoute que la galeriste de Brooklyn a choisi 6 peintures au lieu des deux ou trois prévues initialement et que le vernissage du 6 novembre me verra improviser graphiquement sur la musique d'un DJ tout en buvant de grandes rasades de vodka, je suis sûr que tout le monde va s'écrier "wow ! il vit un rêve éveillé".
En réalité, c'est d'un rêve assez terrible qu'il s'agit.
Car la solitude intégrale dans laquelle je me retrouve pour la première fois dans ce pays fait émerger ma vulnérabilité fondamentale et me plonge dans un état d'angoisse et de détresse assez pénible. Et puis comment être heureux alors que la femme que j'aime ne veut plus me parler, que celle que j'ai aimée ne le veut pas d'avantage, et que le monde entier (New York en tête) attend de ma part un bouillonnement de positivité ?
Il y a un truc qui cloche avec moi, mais je ne sais pas ce que c'est. Peut-être que si ma mère m'avait donné la tétée ça aurait été différent, mais je n'en suis pas si sûr. Je me traîne une mélancolie spectaculaire à mes propres yeux, et je ne sais pas comment résoudre ça. J'ai compris que l'art était un soulagement pour ma douleur, mais
ça ne guérit pas ma tristesse de vivre.
Que faire, que faire ?
Je peux toujours espérer atteindre un certain état de bien-être en faisant l'artiste ; assurément, c'est moins bien que le bonheur, mais cela constitue peut-être une raison suffisante pour continuer d'exister.
Je vais essayer...
Stéphane