CHRONIQUE AUX RONDS POINTS DES ALLUMES DU JAZZ PAR LES MARTINE'S

Publié le 2019-05-17
Temps de lecture : 4 min.
Les Allumés du Jazz
CHRONIQUE AUX RONDS POINTS DES ALLUMES DU JAZZ PAR LES MARTINE'S
Les Allumés du Jazz

Le petit supplément des Martine's sur le disque des Allumés du Jazz

Les Martine's et Tristan Macé sur un disque manifeste collectif 
Aux Ronds Points des Allumés du Jazz est un disque manifeste, collaboratif et politique initié à l'issue des Rencontres des Allumés du Jazz de 2018 à Avignon.
Nous avions été conviés pour parler autour de notre pratique musicale et éditoriale (indissociable l'une de l'autre), de nos éditions et de nos événements organisés durant l'année @L'atelier du 13. Autour de tables rondes, nous avons questionnés l'enregistrement et son utilité au moment où les pratiques de l'écoute musicale sont bouleversées par les plateformes de streaming toutes puissantes. Nos "petites séries" contrarient les modèles économiques, tant dans le milieu du livre que dans celui de la musique. Les échanges furent passionnants et constructifs, jusqu'au moment où la question s'est posée de notre réaction face aux problèmes que nous rencontrons tous pour exister au milieu de ce marasme sonore de qualité souvent médiocre, où quantité et profit sont devenus les maîtres mots, remplaçant, créations, expériences, essais qui demandent évidemment du temps.
Lorsqu'il nous a été proposé de participer à ce disque manifeste, 33 tours dans vinyle noir profond, avec sa pochette quadri (nous ne savion pas encore quelle allure il aurait), nous avons réfléchi à comment "enregistrer" et pourquoi faire !? Nous qui d'ordinaire, effectuons des enregistrements comme des "traces" sonores, des sortes de lignes tracées, croisées et plutôt longues... Une seule plage de 25 à 30 minutes, comme la durée de nos dialogues musicaux il fallait ici être concis.
La contrainte fut forte, puisque nous devions faire 3 minutes 30 maximum... Une gageure.
Nous avons demandé à Tristan Macé, "déjoueur" de bandonéon, comme j'aime à le nommer, de venir improvisé autour d'un riff (improvisé lui aussi) pour une scansion répétitive de Anne Mars "Par les temps qui courent"... Une sorte de dialogue ramassée en 3 minutes et quelques, où tout martine's est dit, ou presque. Un "anti-tango", une hyperbole de ce à quoi l'enregistrement devrait servir : partager une expérience, un travail, un instant suspendu, une inspiration, un souffle brièvement continu, contenu dans nos chairs qui résonnent de la musique du monde. Un écho, un abri, une réappropriation du temps qui passe et qu'on ne cesse de vouloir nous voler en nous imposant un tempo pour tout. Un tempo pour travailler et "gagner notre vie", un tempo pour se réjouir et un tempo pour jouir, un tempo pour aller boire un verre en happy hour, un tempo pour regarder l'ultime saison de la série à la mode, un tempo pour écouter le dernier album de machin qui sera vite remplacé par le dernier album de truc à quelques jours d'intervalles...
Ralentir, reprendre son souffle, les martine's & Tristan Macé le tente dans un enregistrement à 2 prises, réalisée par Hervé Michard @l'atelier du 13.
Voilà ce que raconte "Par Les Temps Qui Courent" dans ce disque manifeste ! Un témoignage, un îlot, un rond point qui ne tourne pas rond, une sorte d'invention qui nous permettrait en prenant le temps de nous rendre à toutes les destinations musicales possibles. Une redistribution des directions, plus proche du réel que de la réalité scandée par nos "réprimants".

Ce disque est traversé par des collaborations absolument magnifiques, comme cette ouverture de L'1consolable et les damnés du skeud, ce changez de disque transperce en 7'36 mn d'un flow en forme de constat, de combat, et de "on ne baissera les bras" ! et d'une musique joué par une liste hallucinante de musiciens qui ensemble font d'un patchwork, un tapis molletonné et "rapé" à certains endroits rendant l'écoute curieuse, attentive et (d)étonnante! (voir la liste ici).

Bruno Tocanne, réunit ensuite les Jazz Composers Allumés Orchestra pour 13'03 mn d'un 7 janvier éponyme dudit enregistrement. Il est question de souffle et pas qu'un peu ! Saxophones, clarinette basse, flûte, trompettes et trombones, tempêtent sur un chemin du bord de mer intranquille, rythmé par les batteries et une contrebasse. Des vagues divaguantes, au flux et reflux scintillants comme les cuivres qui n'érodent jamais mais dépeignent plutôt un paysage imaginaire tantôt immense, tantôt intime ! Cette réunion à "géométrie variable" joue la composition de Rémi Gaudillat (l'une des trompettes), variant tout les plaisirs d'un big band contemporain où les pupitres ont volés pour mieux laisser les notes s'envolées !

Et déjà, nous voilà prenant le temps de retourner le disque... La face A (comme Allumés) sillonnée, nous voici sur la face J (comme jazz) le B.A.BA des lettres libres !

Xavier Garcia emprunte joyeusement et amicalement (précision de la pochette) durant les 8'53 mn de son Sur la route des Allumés. Et d'empreintes il est question toujours. Euphoriques, foisonnantes, mais jamais bordéliques (quoique), les empreint.es.s sont rejouées, distordues, trafiquées, modulées, "embazardées" pour un joyeux bazar, un "blizzard" dirait Anne Mars, troublant, parfois un peu inquiétant. D'une richesse profonde, on s'enfonce peu à peu sur ce chemin, ne sachant jamais où nous nous rendons... Mais Xavier Garcia semble bien nous dire que ce n'est pas le bout du chemin qui compte, mais bien le chemin lui-même, qui nous construit, nous fait grandir en auditeur patient, aimant et joyeux ! Ce chemin-là n'est pas une invitation, c'est une nécessité.
Je souffle brièvement et volontairement sur les 3'41 mn de "Par les temps qui courent »... (voir plus haut)

Les Travailleurs du disque dans le miroir des allumettes de Birgé, Casadamont, Gattino, Lemetre et Rifflet, tisse en 4’07 mn un textile, pour ne pas dire un vêtement de matière qui habille les interstices du temps. Siffler n’est pas jouer, mais on peut jouer en sifflant. Dans une atmosphère cinématographique qui s’installe, ces « travailleurs » sculptent, tapent, bossent, grattent, et creusent une impromptue partition libre, libérée et libératrice des sons comme des à-cotés "chérissables" et précieuses.

Nous ne sommes pas très loin du Collectif Ishtar qui en 2’28 mn piétine Des Airs Cultes (en sabots) , en extrait de prise de parole sur l’expérience… Sensible, la vivifiante et désaltérante plage sonore transmet une possible musique dans les mots du quotidien comme dans les interventions plus réfléchies d’une réthorique aux sons des voix à suivre ou au moins à écouter.

Enfin Florent Dupuit, Nicolas Souchal, Nils Mestre, Stef Maurin et Yoram Rosilio, décident ensemble de rallumer la Fonderie Tophophonographique où coulent, liquides, les dernières 4’01 mn d’une sonore fin, sans aucun glas qui sonne justement. Avec une musique expérimentale où l’expérience viendrait composer les derniers mots d’un manifeste en caractère topohonographique à défaut d’être typographique, comme ces fondeuses d’un autre temps, qui tombaient en lignes les phrasés, toutes différentes, mais formant un texte homogène, justifié avec la dernière ligne aligné à gauche !
 
Si il nous semble écouter une sorte de point d’interrogation, c’est bien pour continuer la réflexion, pour continuer à s’interroger sur nos « puissances d’agir » en collectif et ce disque manifeste est sans doute un début de réponse. Il est le premier sillon gravé des musiciens indépendants qui cherchent à ne pas tourner en rond, mais bien à matérialiser de nouveau ensemble, l’objet de révoltes sonores, pour ne pas laisser la place aux seuls industries capitalistes bruyantes. Ils cherchent non seulement à occuper les ronds points, mais aussi à les transformer en ronds points de suspension... Redistribuant les directions multiples et foisonnantes de nos imaginaires à partager.

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