Les institutions culturelles apportent elles un soutien massif à Christophe Castaner ?
Publié le 2019-02-08
Temps de lecture : 3 min.
Source Jean Marc Adolphe, Blog Mediapart
Les institutions culturelles apportent un soutien massif à Christophe Castaner.
Qui ne dit mot consent. Le silence des institutions artistiques et culturelles à l'endroit des Gilets jaunes est assourdissant. Au début les responsables culturels voulaient rester "probes". Maintenant, ils sont complices des violences policières. Tant qu'il y a quelques privilèges à préserver, tels ceux que s'octroie Olivier Py...
Résumons. Le 22 janvier dernier, en réponse aux rares voix qui s’étonnent du silence étourdissant des institutions artistiques et culturelles et de leurs représentations les plus en vue face au mouvement des Gilets jaunes, ainsi qu’à la création d’une coordination nationale Gilets jaune dans l’art et la culture, Marie-José Malis, metteure en scène, directrice du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers – Centre dramatique national et présidente du Syndeac, se fend d’une tribune dans Libération, pour appeler à « un acte II de la décentralisation culturelle », dont l’un des objectifs prioritaires serait de « réimplanter des artistes dans les zones pavillonnaires et dans les villages. » Quelle méconnaissance du terrain : beaucoup d’artistes résident d’ores et déjà en zones rurales ou péri-urbaines. Et surtout, quelle inconséquence politique : il suffirait de saupoudrer quelques artistes au beau milieu de zones en déshérence pour résoudre d’un coup de baguette magique les fractures sociales, économiques, territoriales, numériques, etc, qui minent le pays et la cohésion nationale !
Sur la « crise » (de légitimités) que traverse le pays, Marie-José Malis n’est pas dupe : « nous savons que ce qui se joue là, porté par les habitants, est une séquence décisive de notre histoire. Elle pèsera sur nous tous, si elle est maltraitée. Notre destin s’y joue, en grande partie. » Et alors, quelles conclusions, quels engagements ? « Nous n’avons pas pris la parole collectivement sur le mouvement des gilets jaunes parce que nous étions probes », écrit incroyablement Marie-José Malis. Probe ? Qui fait preuve de probité, cette « vertu qui consiste à observer scrupuleusement les règles de la morale sociale, les devoirs imposés par l'honnêteté et la justice » (Petit Robert). En quoi le fait de tenter d’ouvrir un dialogue collectif avec le mouvement des Gilets jaunes aurait-il été immoral, malhonnête et injuste ? Les chefs d’entreprises du Syndeac auraient-ils craint de se souiller en allant à la rencontre des gueux qui manifestaient, et dont beaucoup, sans doute, ne sont pas abonnés à tel ou tel des fleurons de la « décentralisation culturelle » ? Vu le prix des places qui y est habituellement pratiqué, il n’y a guère de quoi s’étonner, mais bon…
Mais tout finit par bouger, même le Syndeac. Marie-José Malis conclut ainsi sa tribune du 22 janvier : « Les adhérents du Syndeac, dans leurs lieux, leurs compagnies, se disent prêts à accueillir tous les débats que voudront organiser les habitants, avec les intellectuels et tous ceux qui se sont déclarés prêts à les accompagner ; ils disent et diront sur les lieux des réunions populaires, sur les ronds-points et ailleurs, qu’ils ont beaucoup à y apprendre, qu’ils veulent partager la difficulté nouvelle des questions, y venir avec ce qu’ils sont : des gens dont la fonction est de travailler à mettre en formules éclaircies, désirables, et libératrices, les points en impasse de notre vie. Et que pour cela, plus que jamais, car pour tout le monde dans ce moment de l’histoire une manière nouvelle de nommer le monde et d’y organiser notre action, doivent être inventées, ils ont besoin des autres, du réel des existences. » C’est beau, la poésie, mais « seuls les actes engagent » (René Char). Le reste, c’est du bla-bla.
Dans la foulée de cette « invitation à accueillir », une proposition a été émise par la philosophe Valérie Marange, co-directrice de la revue Chimères : qu’artistes et lieux culturels organisent des soirées publiques dont les recettes seraient reversées à une caisse de soutien aux victimes de violences policières. Cette initiative est relayée le 27 janvier par le Cours des choses et le mouvement Citoyens d’abord. En vain : la proposition fait un flop total.
Le jeudi 31 janvier, soit 9 jours après la publication de la tribune de la présidente du Syndeac, je me mets à enquêter auprès de certains lieux emblématiques de la décentralisation culturelle, à commencer par le Théâtre de la Commune, à Aubervilliers, dirigé par… la présidente du Syndeac. Marie-José Malis interrompt une répétition (d’un spectacle de Richard Maxwell, The End of reality, qui « met en scène des employés d’une agence de sécurité » (sic) et dont la création est annoncée pour le 6 février) afin de répondre à mes questions. Selon elle, le Théâtre de la Commune organise déjà beaucoup de choses (quoi, précisément ? Je n’ai pas réussi à comprendre, et je n’en trouve aucune trace sur le site internet du théâtre), mais semble favorable à la tenue d’une telle soirée de soutien. Sauf qu’au moment d’en fixer la date, elle ne peut pas décider et m’annonce que son directeur adjoint, Frédéric Sacard, va me rappeler calendrier en main. 7 jours ont passé : le téléphone est resté muet. C’est compliqué, les plannings des théâtres (...)
Sur la « crise » (de légitimités) que traverse le pays, Marie-José Malis n’est pas dupe : « nous savons que ce qui se joue là, porté par les habitants, est une séquence décisive de notre histoire. Elle pèsera sur nous tous, si elle est maltraitée. Notre destin s’y joue, en grande partie. » Et alors, quelles conclusions, quels engagements ? « Nous n’avons pas pris la parole collectivement sur le mouvement des gilets jaunes parce que nous étions probes », écrit incroyablement Marie-José Malis. Probe ? Qui fait preuve de probité, cette « vertu qui consiste à observer scrupuleusement les règles de la morale sociale, les devoirs imposés par l'honnêteté et la justice » (Petit Robert). En quoi le fait de tenter d’ouvrir un dialogue collectif avec le mouvement des Gilets jaunes aurait-il été immoral, malhonnête et injuste ? Les chefs d’entreprises du Syndeac auraient-ils craint de se souiller en allant à la rencontre des gueux qui manifestaient, et dont beaucoup, sans doute, ne sont pas abonnés à tel ou tel des fleurons de la « décentralisation culturelle » ? Vu le prix des places qui y est habituellement pratiqué, il n’y a guère de quoi s’étonner, mais bon…
Mais tout finit par bouger, même le Syndeac. Marie-José Malis conclut ainsi sa tribune du 22 janvier : « Les adhérents du Syndeac, dans leurs lieux, leurs compagnies, se disent prêts à accueillir tous les débats que voudront organiser les habitants, avec les intellectuels et tous ceux qui se sont déclarés prêts à les accompagner ; ils disent et diront sur les lieux des réunions populaires, sur les ronds-points et ailleurs, qu’ils ont beaucoup à y apprendre, qu’ils veulent partager la difficulté nouvelle des questions, y venir avec ce qu’ils sont : des gens dont la fonction est de travailler à mettre en formules éclaircies, désirables, et libératrices, les points en impasse de notre vie. Et que pour cela, plus que jamais, car pour tout le monde dans ce moment de l’histoire une manière nouvelle de nommer le monde et d’y organiser notre action, doivent être inventées, ils ont besoin des autres, du réel des existences. » C’est beau, la poésie, mais « seuls les actes engagent » (René Char). Le reste, c’est du bla-bla.
Dans la foulée de cette « invitation à accueillir », une proposition a été émise par la philosophe Valérie Marange, co-directrice de la revue Chimères : qu’artistes et lieux culturels organisent des soirées publiques dont les recettes seraient reversées à une caisse de soutien aux victimes de violences policières. Cette initiative est relayée le 27 janvier par le Cours des choses et le mouvement Citoyens d’abord. En vain : la proposition fait un flop total.
Le jeudi 31 janvier, soit 9 jours après la publication de la tribune de la présidente du Syndeac, je me mets à enquêter auprès de certains lieux emblématiques de la décentralisation culturelle, à commencer par le Théâtre de la Commune, à Aubervilliers, dirigé par… la présidente du Syndeac. Marie-José Malis interrompt une répétition (d’un spectacle de Richard Maxwell, The End of reality, qui « met en scène des employés d’une agence de sécurité » (sic) et dont la création est annoncée pour le 6 février) afin de répondre à mes questions. Selon elle, le Théâtre de la Commune organise déjà beaucoup de choses (quoi, précisément ? Je n’ai pas réussi à comprendre, et je n’en trouve aucune trace sur le site internet du théâtre), mais semble favorable à la tenue d’une telle soirée de soutien. Sauf qu’au moment d’en fixer la date, elle ne peut pas décider et m’annonce que son directeur adjoint, Frédéric Sacard, va me rappeler calendrier en main. 7 jours ont passé : le téléphone est resté muet. C’est compliqué, les plannings des théâtres (...)
(...) Il est logique, par conséquent, que les institutions artistiques et culturelles se tiennent à l’écart d’un mouvement populaire qui réclame une meilleure redistribution des richesses, y compris culturelles. Mais les patrons de ces institutions entendent bien rester assis sur le petit magot de leurs privilèges et pour y parvenir, tendent depuis des années à se faire passer pour les propriétaires exclusifs du sens et du sensible, c’est-à-dire du « bon goût bourgeois » qui sait même s’offusquer lui-même avec de gentilles petites provocations performatives. Basta la comedia !